Deux ans après une médaille de bronze ramenée de Rome, EMILIE DUMONT voulait faire des championnats d’Europe de natation Masters de Belgrade une apothéose et en ramener le maximum de médailles… Mais à cause d’un avion annulé, sa première médaille potentielle sur le 200 m 4 nages ce jeudi s’est déjà envolée

Elle aurait dû plonger dans le bassin du Sports Center “Milan Gale Muskatirovic“ de Belgrade (Serbie) ce jeudi 27 juin. À 15h11 très exactement, heure de la finale de la catégorie 35-39 ans des championnats d’Europe Masters. Mais à cette heure-là, ÉMILIE DUMONT, accompagnée de son époux Jean-Benoît, était dans un bus, quelque part sur la route entre Zurich et Belgrade. « En fait, elle a fait escale à Zurich et son second avion a finalement été annulé. Résultat, elle s’est retrouvée à prendre un bus, explique son entraîneur, Jean-Yves Gabrièle. Du coup, elle n’est partie de Zurich que la nuit dernière vers minuit et il faut compter entre 20 et 24h de voyage » pour effacer le petit millier de kilomètres séparant la cité alémanique à la capitale serbe (pour info, 1h40 en avion).

Assurément pas la meilleure façon de préparer des championnats d’Europe, pour lesquels la Fréjusienne nourrissait de gros objectifs. « Je pète la forme, nous avons énormément travaillé avec Jean-Yves », assurait-elle lorsque nous l’avions rencontré dans sa seconde maison (la piscine Maurice-Giuge). « Je suis super bien et je veux faire des podiums », ambitionnait celle qui, à Rome voici deux ans, lors de la même compétition, avait accroché une médaille de bronze à son cou sur le 400 m 4 nages.

 

24 heures de bus, 1000 km…

En Italie en 2022, « les championnats étaient prenaient place plus tard dans le calendrier », alors programmés fin août, début septembre. Le côté “maman“ (de Clément et Noé, respectivement 7 et 5 ans alors) avait ainsi repris le dessus, « il y avait la rentrée des classes et je n’avais pas nagé beaucoup en fait (hors le 400 m 4 nages donc, seulement 400 NL et 800 NL avec deux 7es places à la clé, et manquant entre autres le 200 dos, jour de la rentrée, Ndlr) ». Sans peut-être aussi totalement éliminer une tête davantage à Fréjus que dans la capitale italienne.

Mais cette année, pas pareil ! Des championnats placés à la fin juin, plus facilement gérables d’un point de vue familial, avaient séduit Émilie et renforcé sa volonté, et de proposer beaucoup plus de nages (200 et 400 m 4 nages, 100 et 200 dos avant de conclure le 2 juillet par le 400 NL), et surtout de monter sur la boîte, et pas qu’une fois !

 

Le duo Jean-Yves Gabrièle vs Emilie Dumont fonctionne déjà depuis de longues années, il s’est retrouvé voici 4-5 ans après une longue séparation due à l’évolution de la vie et à des choix personnels de carrière

 

La médaille lui tendait les bras

Las, cette entame manquée a déjà bien contrarié les plans initiaux. De fait, elle n’a donc pas pris ce jeudi après-midi le départ d’un 200 4 nages, où son temps d’engagement (2’36’’70) pouvait la laisser espérer de grandes choses au regard du déroulement de la course. La Slovaque Zuzana Binar Mimovicova, qui nage dans les mêmes eaux que la Française (record à 2’36’’74), s’est ainsi facilement imposée, abaissant certes sa marque en 2’32’’80 mais sans concurrence aucune, sa dauphine pointant à plus de 11’’ (2’44’’72), soit un véritable gouffre.
Il va sans dire qu’Émilie Dumont avait déjà là un premier podium et une première médaille (or ou argent) dans sa besace, ce que n’aura pas manqué de remarque un Jean-Yves Gabrièle, pas forcément très optimiste pour la suite des opérations. « Je ne sais pas comment elle sera demain (ce vendredi, son 400 m n’est annoncé “qu’à“ 15h45, Ndlr), si elle aura récupéré physiquement autant que dans la tête. »

Peut-être un peu pessimiste quand même le coach qui connaît pourtant parfaitement sa championne et notamment son côté “guerrière“ ! Une élève dont il saluait lui aussi « le gros boulot »“je ne la ménage pas pourtant“, avouait-il pourtant – et qu’il voyait accomplir de belles performances à Belgrade.

 

Dans le sillage d’Alexandra Putra et Laure Manaudou en 2000

Une élève connue « ado, devenue mère de famille », qu’il avait emmenée en 2000 sur le podium du 100 dos des championnats de France minimes, derrière Alexandra Putrat (Française née en Pologne, et devenue Polonaise en 2011, 2 JO à son actif) et une certaine Laure Manaudou dont on entendra un peu parler à partir d’autres JO, ceux d’Athènes en 2004 !

Trois filles dont les carrières n’auront à coup sûr pas épousé les mêmes trajectoires : s’il est inutile de revenir sur celle de Manaudou, Putra a quant à elle à son actif deux jeux Olympiques (2004 et 2012), sans oublier un titre européen sur 200 dos en 2008, et de multiples médailles en championnat(s) de France ! Non pas qu’Émilie n’avait pas l’envergure ni les épaules de ses deux adversaires, loin de nous cette idée (d’autant qu’elle possède tout de même de 500 à 515 performances référencées à son actif). En revanche, elle n’avait peut-être alors le mental pour intégrer un centre de haut niveau, tel que celui de Chalon-sur-Saône qui avait essayé de l’attirer mais « j’avais 14 ans, je ne me sentais pas de partir, de quitter ma ville natale, comme l’a fait une Laure Manaudou par exemple », partie de l’Ain pour suivre Philippe Lucas.

 

La frustration est bien évidemment énorme pour EMILIE DUMONT, manquant l’ouverture des championnats d’Europe à cause d’une annulation d’avion. Des heures de travail et d’entraînement dans le bassin de Maurice-Giuge jetées à l’eau…

 

MNS et les pompiers

“Abandonnée“ par son coach à Fréjus qui avait choisi une autre trajectoire professionnelle alors, Émilie Dumont a poursuivi sa carrière de son côté, avec des participations aux “France“ de N1, se tirant pas mal la bourre avec des Marine Dimitroff, Camille Shaw, voire une autre Émilie, Joron en l’occurrence. Travaillant aussi pour obtenir son BEESAN (Brevet d’éducatrice sportive des activités nautiques, réformé et devenu en 2013 le BPJEPS AAN). « J’ai ainsi pu exercer le métier dont je rêvais depuis toute gamine, à savoir maître-nageur sauveteur (MNS), j’ai également travaillé avec les pompiers… »

“Montée“ en région parisienne dans les Hauts-de-Seine (ben oui, tout le monde peut faire des erreurs ou y être obligé… LOL), où naîtront d’ailleurs ses deux enfants, Émilie répondra en parallèle à un défi, un pari, « un challenge en eau libre, sur 10 km. Et ça m’a plu ». Elle ira même jusqu’à se lancer sur un 25 km, où je terminerai 2e Française en 5h57. Le tout, sans rien savoir, « même pas qu’il fallait se réalimenter parfois… »

 

Retour à la maison (et au bassin) en 2020

Après la « naissance des enfants », elle se (re)plongera en bassin, participant notamment aux championnats de France Masters sous les couleurs de Nanterre. Puis elle “redescendra“ dans sa région. Et là, la magie opérera, les deux anciens acolytes se retrouveront « en 2020 », décision étant prise pour Émilie de s’entraîner à nouveau avec celui qui la connaît à coup sûr la mieux – on ne cesse de le répéter – et le duo retrouvera rapidement les sommets, avec les championnats de France 2023 faisant suite aux “Europe“ de Rome, puis les championnats d’hiver début mars (5 médailles : OR sur le 400 NLM, ARGENT sur 100 et 200 dos, enfin le BRONZE en 4 nages, sur 200 et 400 m).

Ces championnats d’Europe de Belgrade devaient être une apothéose pour celle qui se présente elle-même comme « une droguée de la natation ». Pour l’heure, un put… d’avion en a décidé autrement. Que sera la suite de l’aventure ?